18 février 2013
Gabriel Guy (avril 1925-février 2013)
En hommage à Gabriel Guy, récemment disparu, un des textes que j'ai eu le plaisir d'écrire à propos de sa peinture, en souvenir de ce grand artiste et de ce grand vivant.
Gabriel Guy
à la fenêtre de notre temps
L'apparition des objets dans la peinture de Gabriel Guy ne date pas d'hier. Depuis le printemps de l'oeuvre, ils peuplent l'espace de la toile, tour à tour complices, facétieux, énigmatiques ou inquiétants mais surtout peu enclins à se contenter, dans l'univers du peintre, d'un improbable statut de nature morte.
Gabriel Guy peint la vie ; et les objets, ceux du quotidien, la jalonnent. Mais il faut dire plus. Gabriel Guy peint la vie d'aujourd'hui, la vie de son époque, et qu'arrive-t-il en cette fin de siècle ? Un inquiétant prodige. Ce qu'on a d'abord considéré comme un progrès : un amoncellement d'objets, leur multiplication en série qui suscite désormais une vague stupeur.
La ronde familière d'objets parfois farceurs qui rythmait des tableaux déjà anciens s'est accélérée en une farandole puis en un tourbillon dans lequel l'homme perd peu à peu ses marques.
Spirale infernale ? Gabriel Guy, peintre du mouvement, ne pouvait passer à côté du thème. Il le traite certes depuis les premiers âges de sa peinture dans des toiles qu'on dit résolument "figuratives" où, par exemple, une motocyclette reste une motocyclette mais où, déjà, la peinture prend l'engin de vitesse pour n'explorer bientôt que son mouvement, son virage, sa trajectoire.
Dès cet instant, les colleurs d'étiquettes retournent leurs vestes. La peinture de Gabriel Guy deviendrait "abstraite" ! Ont-ils bien regardé ? La figure, le sujet et l'objet ne se sont point évaporés dans le désert d'un "monochrome" ou emberlificotés dans les filaments et les coulées d'un pot de couleur renversé... Ils sont toujours là, derrière des voiles et dans des circulations certes de plus en plus complexes mais toujours présents au regard ouvert et attentif.
Indifférent aux modes dans ce monde fou de normes, Gabriel Guy perturbe les embaumeurs de l'art, les très provisoires archivistes des nouveaux conformismes (je veux dire de certaines avant-gardes.) Il dérange aussi les geôliers d'un ordre ancien qui refusent d'autres avant-gardes quant à elles nécessaires.
Mais ne nous égarons pas plus longtemps dans cette éternelle querelle entre les cornacs d'une modernité aussi vite défraîchie qu'auto-proclamée et les sentinelles d'une tradition momifiée.
L'art de Gabriel Guy est, de toute façon, absent de ce terrain. Sachons le rencontrer là où il sépanouit et où il nous épanouit : dans l'univers que nous habitons, dans la plénitude et la dynamique de cet instant où l'espace d'un tableau particulier rencontre le temps universel, cet espace et ce temps où l'homme trace ses lignes.
Ces lignes de force, ces lignes de fuite ont traversé des paysages, des figures de femmes et d'hommes (oui, l'humain est aussi paysage) et le peintre, emporté dans sa course, est arrivé aux portes de la ville. En artiste aux prises avec son temps, il s'est engagé dans cet incontournable mouvement au coeur duquel il faut, pour reprendre ses mots échangés avec lui dans l'atelier, "avancer", "foncer". Il a peint les "Villes tentaculaires" telles qu'elles se dévoilent à notre fascination puis les autoroutes, les rocades et les échangeurs tels qu'ils s'enroulent autour de l'homme qui les a voulus et construits.
Où est-il, l'homme ? Il n'a pas disparu. Il a changé de place. Il a fait danser les objets et maintenant, ce sont les objets qui l'entraînent dans la ronde. Désormais, il fait corps avec eux. L'homme a mis le doigt dans l'engrenage et il a peur. Peur de devenir un objet.
L'histoire de ce siècle est liée aux objets. Les artistes la racontent et, souvent, la devancent. Gabriel Guy est l'un d'eux. Il nous raconte l'objet complice, l'objet qui nous échappe et l'objet qui nous submerge. Il nous raconte avec des lignes et des couleurs la folle histoire de l'objet que nous créons pour nous servir mais qu'aujourd'hui nous servons, emportés par les rouages d'un engrenage apparu dans les toiles les plus récentes.
Ce thème qui lui ouvre de vertigineuses perspectives succède de peu à des oeuvres accouchant d'une inquiétante créature : "l'homme-machine". Dans la vallée industrielle qu'il habite et dans laquelle il s'est donné les moyens d'un regard distancé, seule condition pour accéder à une vision synthétique de la réalité qu'il peint, Gabriel Guy sait de quoi il parle. "L'homme-machine" existe et il nous pose une question tout à la fois effrayante et brûlante d'espoir au milieu de nos chaînes, de nos engrenages et de nos voies dites de "communication", une question que Charlot posait déjà dans le film "Les temps modernes" par la seule grâce de ce qui fonde son humanité, autant dire son instinctive incapacité à se confondre avec la machine. Cette question recouvre aujourd'hui dans tous les domaines où l'homme agit, et plus encore dans celui de l'art, un enjeu crucial : comment rester un homme ?
Quelle joie violente peut nous apporter la réponse d'artistes de la trempe de Gabriel Guy, postés l'oeil neuf à la fenêtre de notre temps !
Illustrations 1 : Gabriel Guy dans son atelier en 2000. 2 : Une des « unes » que j'ai réalisées sur Gabriel Guy pour la presse quotidienne dans les années 80. 3 : Un de mes essais sur la peinture de Gabriel Guy (éditions Orage-Lagune-Express).
18:45 Publié dans Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, arts plastiques, gabriel guy, veyziat, oyonnax, ain, rhône-alpes, bresse, couleur, cartonnier d'aubusson, aubusson, verrier, orage-lagune-express, blog littéraire de christian cottet-emard, poésie, le grand variable, le pétrin de la foudre, interludes narratifs, le congé du buveur
15 février 2013
Samedi de la discothèque : a capella de 1 à 5 voix
Dans le cadre des samedis de la discothèque, une des animations proposées par la médiathèque municipale d’Oyonnax (Ain), en partenariat avec le conservatoire, Dominique Bonnetain, professeur de chant, invite le public à la découverte du répertoire a capella, c’est à dire du chant sans accompagnement instrumental : de 1 chanteur à un ensemble vocal.
Entre autres, seront commentées et interprétées des œuvres de Guillaume de Machaut, Clément Janequin, Matthieu Burgard, de la variété, du gospel, de la samba, du chant Yiddish, des ensembles mixtes, des quatuors, un chœur d’enfants...
Avec la participation du groupe vocal « Confluence (s) » composé de Dominique Bonnetain, Alexis Josserand, Céline Robert et Florence Grasset.
—> Samedi 16 février 2013 à 11h, médiathèque municipale d’Oyonnax, centre culturel Aragon.
Photos : en haut à gauche : Dominique Bonnetain. En bas, Alexis Josserand, Céline Robert et Florence Grasset. (Archives).
01:29 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, a capella, chant, médiathèque d'oyonnax, oyonnax, ain, rhône-alpes, centre culturel aragon, discothèque, guillaume de machaut, clément janequin, matthieu burgard, gospel, samba, chant yiddish, dominique bonnetain, alexis josserand, céline robert, florence grasset, groupe vocal confluence(s), blog littéraire de christian cottet-emard
09 février 2013
Carnet des actualités
L’actualité c’est simple, me direz-vous : « si vous saturez, tournez le bouton » , ce que je fais bien sûr, notamment sur France-Musique dont je choisis les programmes les moins bavards — devinez pourquoi ? — pour écouter de la musique, aussi bizarre que cela puisse paraître, et non pour entendre une énième retransmission des engueulades à l’Assemblée à propos du mariage pour tous. Tourner le bouton, pas si simple.... Pas de problème chez soi, mais à l’extérieur où tout est de plus en plus sonorisé, c’est une autre affaire. Donc, puisque l’actualité s’invite sans vergogne dans l’espace sonore public, laissons-la déborder un peu dans cet espace semi-public ou semi-privé (comme on voudra) qu’est ce petit blog.
J’aurais pu écrire « les actualités » mais en réalité, une seule domine toutes les autres : le mariage pour tous. À chaque nouvelle vague de logorrhée sur ce sujet, une image s’impose à moi, vieille de deux ou trois ans déjà, celle d’un jeune SDF très maigre et très mal en point qui grelottait de froid accroupi contre une vitrine un soir pluvieux de fin d’automne à Lyon. Lui donner une pièce ? Inutile au vu de son degré apparent d’épuisement. Le recueillir ? Évidemment impossible. Comme tout le monde, j’ai donc passé mon chemin en remisant mon malaise dans un coin de ma tête. Le rapport entre ce SDF et le baratin à propos du mariage pour tous ? La grosse manifestation des opposants au mariage pour tous. Voilà des gens qui sont capables de prendre des jours de congé et des autocars avant l’aube en plein hiver, de se taper cinq ou six-cents kilomètres de route et de s’agglutiner dans des cortèges géants pour un motif aussi secondaire que le mariage pour tous.
Pour moi, le vrai problème est que ces foules gonflées à bloc soient apparemment incapables de la même mobilisation pour refuser que des SDF crèvent de froid dans notre société si civilisée, que des citoyens se retrouvent privés de tout revenu et que ceux qui sont encore sur le pont soient tous les jours à la merci de n’importe quel petit chef susceptible de les envoyer sous les ponts. Il faut croire que ces risques les concernent beaucoup moins que les risques du mariage pour tous.
Apparemment, c’est cela la politique, activité à laquelle il me semble impossible de s’intéresser tant que, dans nos pays riches, tout le monde n’aura pas droit à un revenu minimum universel permettant au moins de manger et de dormir à l’abri à celles et ceux qui, de plus en plus nombreux, ne pourront de toute façon plus jamais s’adapter à la loi de la jungle du « totalitarisme financier » (*).
(*) Cf. L’Horreur économique, Viviane Forrester, éditions Fayard, 1996.
P.S. : Puisque j’en suis à bavarder sur les manifestations géantes, j’en profite pour en évoquer une (plus petite) à laquelle j’ai récemment participé. Je me trouvais moi-même un peu ridicule au milieu de ce cortège dans les rues de mon petit village dont l’école risque de perdre une classe mais le ridicule ne tue pas. La preuve, j’écris et je publie des livres, je tiens ce blog depuis huit ans, je donne parfois mon opinion personnelle et je suis toujours vivant !
Pourquoi me suis-je joint à cette manif de campagne à laquelle, de l’aveu des organisateurs, n’ont pas participé autant de parents d’élèves qu’on aurait pu l’espérer ? Après tout, je n’ai plus d’enfant à l’école primaire et je suis depuis longtemps persuadé que le bonheur est désormais une affaire privée même si j’ai gardé une vieille tendresse pour les banderoles et la contestation. De fait, elle était plutôt sympathique cette manif villageoise mais quelque peu pathétique aussi, notamment lorsque me parvenaient dans le cortège quelques bribes de conversations du plus pur style « entre potes » : « ouais c’est clair, il nous faudrait une victoire. Ça peut pas continuer comme ça. Avec ce qu’ils ont pris comme raclée l’autre jour, va falloir qu’ils mettent le turbo. »
Finalement, tant qu’ils ne ferment pas le stade de foot !
Vignette : leurre de pêche.
00:41 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, information, presse, actualité, radio, france-musique, journal, manifestation, cortège, banderole, mariage pour tous, fermeture de classe, école, politique, économie, horreur économique, viviane forrester, éditions fayard, blog littéraire de christian cottet-emard, village, foot, totalitarisme financier, sdf, sans domicile fixe, leurre, leurre de pêche, mariage gay, mariage homosexuel